La location de courte durée, largement popularisée par la plateforme Airbnb depuis sa création en 2008, a connu une évolution spectaculaire depuis une dizaine d’années. En effet, avec près d’un demi-million de logements meublés disponibles sur cette plateforme pour toute la France, cette activité lucrative a attiré de nombreux investisseurs…mais pas que ! Depuis maintenant plusieurs années, de nombreuses voix s’élèvent pour tenter de réguler, voire de mettre fin, à cette activité. Avec un marché de la location longue durée très tendu, la location saisonnière est régulièrement accusée d’être responsable de contribuer à cette situation.
Alors, sommes-nous en train d’assister au déclin de cette activité ? Est-ce la fin en 2024 ? C’est ce que nous allons tenter de voir dans cet article, à travers 5 points de réflexion.
L’évolution de la réglementation de la location courte durée
Louer sa résidence principale : 120 jours par an maximum
Depuis la loi ELAN de 2018 (et peut-être même avant), si vous souhaitez mettre votre résidence principale en location meublée de courte durée, vous ne pouvez pas le faire plus de 120 jours par an.
En effet, un des critères retenus pour qualifier la résidence principale consiste à y habiter au moins 8 mois dans l’année. Il reste donc théoriquement quatre mois disponibles, ce qui fait un total de 120 jours. Si vous souhaitez louer votre logement pour une durée supérieure et vous affranchir du quota de 120 jours, vous allez devoir déposer une demande d’autorisation de changement d’usage auprès de la mairie.
Dans tous les cas, vous devez effectuer un enregistrement à la mairie, afin d’obtenir un numéro de meublé de tourisme.
Le changement d’usage : une contrainte de plus en plus demandée par les communes
Depuis 2017, les communes de plus de 200 000 habitants, ainsi que celles de plus de 50 000 habitants situées en zone tendue, ont la possibilité d’imposer aux propriétaires de demander un changement d’usage pour pouvoir mettre un bien en location saisonnière. Certaines villes accordent ce changement de façon temporaire (pour une durée de trois ans, par exemple) ou bien en contrepartie d’une surface de compensation.
Le principe de la surface de compensation est simple : pour chaque mètre carré d’habitation que vous souhaitez transformer en usage commercial, vous devez faire l’inverse avec un local commercial, ou un bureau, par exemple. Dans certains arrondissements de Paris, la règle prévoit même de doubler ce quota (deux mètres carrés de bureaux ou de commerces transformés en habitation pour un mètre carré d’habitation transformé).
Début 2024, les discussions autour de l’évolution de la réglementation prévoient que toutes les villes qui connaissent des tensions sur le marché du logement aient également cette possibilité.
Airbnb à New-York : une interdiction brutale
En septembre 2023, la ville de New-York a beaucoup fait parler d’elle, en décidant d’interdire toutes les locations temporaires de moins de 30 jours.
Cela signifie que, du jour au lendemain, presque toutes les annonces présentes sur les plateformes de location ont été désactivées pour les séjours inférieurs à un mois. La seule exception concerne les propriétaires qui veulent mettre en location une partie de leur logement (comme une chambre, par exemple), à condition qu’ils soient présents dans le logement.
Nous n’en sommes pas encore là en France, mais cela montre bien que c’est un sujet qui dépasse nos frontières, et qui préoccupe la plupart des pays.
Louer une passoire thermique en Airbnb : c’est bientôt fini
La loi Climat et Résilience, votée en 2021, prévoit que les logements qualifiés de passoires thermiques (les plus énergivores) soient progressivement interdits à la location (à moins d’être rénovés) entre 2023 et 2034.
Afin de contourner cette interdiction et d’éviter d’avoir à sortir des dizaines de milliers d’euros pour faire les travaux de rénovation énergétique, certains propriétaires ont eu la bonne idée de basculer leurs logements sur le marché de la location courte durée. Il faut dire que, au moment où je rédige ces lignes, l’interdiction prévue dans le cadre de la loi Climat et Résilience, ne concerne que les locations de longue durée.
Cela a donc un double effet négatif : non seulement les passoires thermiques ne sont pas rénovées (et, donc, restent très énergivores) mais, en plus, de nombreux logements sortent du parc locatif de longue durée.
Mais il se pourrait bien que ce répit soit temporaire : les discussions en cours, début 2024, prévoient que la loi s’applique également aux locations de meublés de courte durée.
La fiscalité de la location de courte durée
LMNP ou LMP : vous ne pouvez plus choisir
En 2017, une évolution majeure a vu le jour, en ce qui concerne les personnes qui font de la location meublée. Avant cette date, vous étiez d’emblée sous le statut du Loueur en Meublé Non Professionnel (LMNP) lorsque vous faisiez de la location meublée classique ou de courte durée.
Pour devenir professionnel (LMP), vous deviez remplir 3 conditions cumulatives :
- Réaliser plus de 23 000 euros de recettes annuelles en location meublée,
- Ces revenus devaient représenter plus de 50% de l’ensemble des revenus du foyer fiscal,
- Vous deviez vous inscrire au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS).
Mais, depuis 2017, la dernière condition a été supprimée, pour diverses raisons qui ne nous intéressent pas spécialement dans cet article. Cette décision a créé un changement majeur : le statut du Loueur en Meublé Professionnel est désormais subi, et non plus choisi. En effet, avant cette évolution, vous pouviez tout à fait remplir les deux première conditions et décider de ne pas vous inscrire au RCS, ce qui vous permettait de rester non professionnel.
Pour de nombreux investisseurs, ce changement majeur a été une très mauvaise surprise, notamment d’un point de vue de la fiscalité.
Les cotisations sociales en location meublée
Si vous faites de la location meublée de façon professionnelle, sous le statut LMP, vous êtes redevable des cotisations sociales.
Mais ce que peu de personnes savent, c’est que vous pouvez également être redevable de ces cotisations sous le statut LMNP, dès lors que vous faites de la location courte durée et que vous dépassez les 23 000 euros de recettes annuelles, tous meublés confondus.
Ainsi, même si vous ne faites que 1 000 euros de recettes annuelles en location touristique et que vous enregistrez 25 000 euros annuels avec des meublés de longue durée, vous êtes redevable des cotisations sociales.
Évolution des obligations fiscales pour les locations saisonnières en 2024
Début 2024, une autre évolution majeure a vu le jour pour les propriétaires de résidences secondaires (ou d’investissements locatifs) loués à la nuitée.
Désormais, les personnes qui déclarent leurs revenus au forfait du micro-BIC (Bénéfices Industriels et Commerciaux) ne bénéficient plus que d’un abattement de 30% (au lieu de 50% ou même 71% pour les meublés de tourisme classés) avec un maximum de recettes fixé à 15 000 euros annuels. Si vous dépassez ce seuil, vous êtes de plein droit au régime réel simplifié.
Pour de nombreux investisseurs, heureusement, cela ne change rien, car le régime réel est utilisé dans la majorité des cas. Mais, pour ceux qui font ça de façon ponctuelle, cela signifie une hausse pure et simple de la fiscalité. Ainsi, selon le régime fiscal choisi, vous pouvez vous retrouver à ne pas payer d’impôts, ou bien à en payer plus qu’avant !
Plateformes, locataires et copropriétés : le trio infernal
Les locataires : plus exigeant et moins respectueux
Lorsque j’ai démarré dans l’investissement immobilier, en 2014, je me suis tourné vers les locations Airbnb pour plusieurs raisons. Je voulais notamment avoir les avantages de la location tout en évitant les inconvénients majeurs, tels que les impayés de loyers, la vacance locative, les dégradations ou encore le squat.
Dix ans plus tard, les choses ont bien changé. Je constate, tout autour de moi, que les clients sont de plus en plus exigeants et de moins en moins respectueux des logements. Les propriétaires doivent désormais redoubler d’efforts pour réussir à attirer et obtenir de bons commentaires, tout en évitant les personnes susceptibles de dégrader leur logement.
À titre personnel, je me souviens encore d’une fois où j’ai reçu un mauvais commentaire, non pas à cause de mon appartement (qui avait énormément plu), mais parce qu’il n’avait pas fait beau pendant le séjour des clients. Dans ce genre de situation, la location courte durée peut vite devenir un enfer.
Airbnb : de plus en plus de contraintes
L’idée initiale d’Airbnb était simple : proposer une chambre disponible, à petit prix, pour un voyageur.
Au fil du temps, la plateforme a évolué de façon progressive pour ensuite proposer la location d’un logement entier mais qui, pendant longtemps, restait très accessible en terme de prix (en comparaison d’un hôtel).
Mais, aujourd’hui, la plateforme impose des frais très importants, tels que la taxe sur les frais du séjour, qui viennent augmenter considérablement le prix de la location (parfois le prix d’une ou deux nuits en plus).
Il en va de même pour les règles de plus en plus strictes qui sont imposées, que ce soit par la plateforme ou par les propriétaires eux-mêmes.
Copropriété : interdictions de louer en location courte durée en hausse
Depuis quelques années, de nombreux propriétaires ont décidé de louer leur logement à une clientèle de passage, entraînant ainsi une augmentation significative des nuisances (notamment sonores) dans les immeubles en copropriété.
Face à cette situation, de plus en plus de copropriétés inscrivent l’interdiction pure et simple de l’activité de location saisonnière dans les immeubles, si cette clause n’était pas déjà initialement prévue dans le règlement de copropriété.
En ce début d’année 2024, l’article 5, introduit dans la loi le 29 janvier, stipule que si un bien en copropriété est déclaré pour être loué comme meublé de tourisme, le propriétaire est tenu d’en informer le syndic. Suite à cette notification, un point d’information à ce sujet doit être inclus à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale de copropriété.
Quel avenir pour le marché de la location courte durée ?
Analyse marketing du cycle de vie du produit : la fin de la location courte durée ?
La fin des avantages de la location meublée pour les locations saisonnières ?
Si nous regardons en arrière, nous avons vu que les avantages liées à la location meublée sont de plus en plus rabotés, au fil du temps, pour les personnes qui pratiquement la location meublée de tourisme. C’est le cas, par exemple, des cotisations sociales, qui sont dues dès lors que vous dépassez les 23 000 euros de recettes annuelles.
Dans la loi de début 2024, l’autre avantage majeur qui a été raboté, c’est l’abattement du régime micro-BIC. Alors qu’il était de 50% (et même 71% pour les meublés de tourisme classés), il est désormais de 30% dans les deux cas.
Il est également question, depuis maintenant deux ans, de supprimer l’avantage de la fiscalité des particuliers sur la plus-value immobilière, dans le cadre de la vente d’un bien exploité en location courte durée, pour l’aligner sur celle des sociétés, en réintégrant les amortissements comptabilisés dans le prix de vente.
Une incitation à privilégier la location longue durée qui annonce la fin de la location courte durée ?
Tous les éléments que nous avons vu au long de cet article m’amènent à penser que le Gouvernement cherche à inciter les propriétaires à louer un logement en longue durée, plutôt qu’en courte durée.
Cerise sur le gâteau, les récentes évolutions fiscales dont nous avons parlé (la réduction de l’abattement à 30%) ne concerne pas ce type de location. Cela signifie que les bailleurs qui proposent un bail de location en longue durée continueront de bénéficier d’un abattement de 50% s’ils choisissent de déclarer leurs revenus locatifs sous le régime du micro-BIC.
Ainsi, l’écart de rentabilité nette entre la location meublée longue durée et son équivalent en saisonnier ne cesse de se réduire.
Un marché qui va se polariser sur deux extrêmes
Face à ce constat, je pense sincèrement que, dans les années à venir, le marché va se diviser en deux catégories bien distinctes.
D’un côté, il y aura les personnes qui font cette activité en amateur, c’est à dire de façon ponctuelle, afin de dégager un complément de revenu. Cela pourra être en proposant une chambre dans leur logement principal, en louant leur résidence principales quelques semaines par an, ou bien en proposant une location de leur résidence secondaire afin de payer les différents frais d’entretien. Les avantages, divers et variés (fiscalité, autorisations nécessaires, démarches, etc), pour les faibles revenus (inférieurs à 15 000 euros par an), vont dans ce sens.
De l’autre côté, il y aura les personnes qui voudront en faire une activité à temps plein, professionnelle, et qui devront se structurer en conséquence. Cela passera certainement par la création d’une structure juridique adaptée, l’obtention d’autorisations diverses, la tenue systématique d’une comptabilité, ou encore une approche professionnelle de l’activité.
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