Réforme de la fiscalité immobilière 2024 : vers une nouvelle ère pour les revenus locatifs
La fiscalité immobilière en France est en passe de connaître une réforme majeure en 2024, centrée sur les revenus locatifs. Cette proposition de loi, articulée autour de l’article 45 de la loi de finances pour 2024, vise à restructurer le paysage fiscal des locations nues et meublées, avec des implications significatives pour les propriétaires, les investisseurs et les locataires. Dans un rapport commandé en décembre 2023 par Elisabeth Borne et rendu public en mai 2024, plusieurs hypothèses de refonte totale de la fiscalité immobilière sont proposée. Cet article explore en profondeur les changements proposés et leurs impacts sur le marché immobilier.
Le contexte actuel de la fiscalité immobilière
Aujourd’hui, la fiscalité des revenus locatifs se divise principalement en deux régimes : le régime des revenus fonciers pour les locations nues et le régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) pour les locations meublées. Cette distinction entraîne des choix fiscaux importants pour les propriétaires, influençant directement la rentabilité de leurs investissements immobiliers.
La location meublée, notamment de courte durée (ou location saisonnière), a bénéficié d’un cadre fiscal plus favorable, contribuant à une augmentation significative du nombre de logements meublés par rapport aux logements nus. En effet, les logements meublés ont connu une croissance de plus de 50 % au cours des six dernières années, tandis que les logements nus ont légèrement diminué. Cette forte progression a conduit a des nombreux déséquilibres du marché locatif en France, en particulier dans les zones tendues.
Ce phénomène s’explique par plusieurs facteurs. Premièrement, les locations meublées de courte durée, souvent facilitées par des plateformes telles qu’Airbnb, permettent aux propriétaires de générer des revenus locatifs plus élevés en raison de tarifs journaliers ou hebdomadaires plus élevés par rapport aux locations longue durée. Deuxièmement, la fiscalité avantageuse pour les locations meublées, notamment la possibilité d’amortir les biens et de bénéficier d’abattements plus élevés, a incité de nombreux propriétaires à opter pour ce type de location. Enfin, le fait que les logements de courte durée ne sont pas, à ce jour, concernés par les interdictions de location liés à une mauvaise performance énergétique.
Cependant, cette tendance a également conduit à une réduction de l’offre de logements disponibles pour des locations longues durées, créant une pression supplémentaire sur le marché locatif traditionnel. Les loyers des locations nues ont augmenté en raison de la diminution de l’offre, rendant difficile l’accès à des logements abordables pour de nombreux ménages.
Les propositions de réforme immobilière en 2024
La réforme de la fiscalité immobilière proposée pour 2024 vise à simplifier et unifier les régimes fiscaux des revenus locatifs.
Voici les principaux changements envisagés :
Tous les revenus issus de la location nue et de la location meublée non professionnelle seraient déclarés en revenus fonciers, tandis que seuls les loueurs meublés professionnels (LMP) resteraient sous le régime des BIC. Cette mesure vise à éliminer les incohérences et les distorsions de concurrence entre les deux types de location. Par exemple, un propriétaire ayant un appartement meublé pour des locations touristiques devra désormais déclarer ses revenus sous le régime des revenus fonciers, ce qui pourrait réduire significativement ses avantages fiscaux actuels.
L’article 45 de la loi de finances pour 2024 prévoit un durcissement des règles pour les loueurs de meublés de tourisme non classés. Le seuil de chiffre d’affaires pour bénéficier du régime micro-BIC serait abaissé de 77 700 € à 15 000 €, avec un taux d’abattement réduit de 50 % à 30 %. Ces modifications visent à réduire l’attrait fiscal des locations meublées de courte durée et à encourager la location longue durée. Par exemple, un propriétaire qui louait son appartement en meublé touristique et réalisait un chiffre d’affaires de 50 000 € par an sera désormais soumis à des conditions fiscales moins favorables, incitant potentiellement à passer à une location de longue durée.
La suppression de la déductibilité des amortissements pour les loueurs de meublés non professionnels au régime réel est proposée. Cette mesure est considérée comme cruciale pour réduire les avantages fiscaux disproportionnés dont bénéficient actuellement ces locations. La réforme prévoit des aménagements transitoires pour étaler l’impact sur les propriétaires concernés, tels que la limitation progressive de l’amortissement imputable sur une période de trois à cinq ans. Cela signifie que les propriétaires devront réévaluer la rentabilité de leurs investissements immobiliers, car ils ne pourront plus réduire autant leur base imposable par les amortissements.
Enfin, il est également évoqué la possibilité de réintégrer les amortissements déduits, dans le calcul de la plus-value immobilière, au même titre que dans le régime du Loueur en Meublé Professionnel. Il est évident que de telles mesures fiscales, si elles étaient votées et adoptées, auraient de lourdes conséquences sur les choix des investisseurs immobiliers, et pourraient bien freiner une éventuelle acquisition.
Les scénarios de mesures fiscales pour les propriétaires
Plusieurs scénarios de réforme ont été proposés, chacun visant à atteindre un équilibre entre simplicité fiscale, justice et efficacité économique.
Le premier scénario propose d’unifier les régimes de location nue et meublée non professionnelle sous un seul régime de revenus fonciers, avec un abattement unique de 40 % et un seuil de passage au régime réel de 30 000 €. Cette mesure devrait simplifier la fiscalité des locations et entraîner un gain budgétaire estimé à 266 millions d’euros. Par exemple, un bailleur qui possède un bien immobilier avec des revenus locatifs annuels de 20 000 € bénéficierait d’un abattement de 40 %, soit 8 000 €, et ne serait imposé que sur 12 000 €.
Une variante du premier scénario, désignée comme scénario 1 bis, propose un abattement de 50 % pour limiter le nombre de perdants fiscaux parmi les propriétaires actuels. Cette option pourrait être plus acceptable pour les propriétaires, car elle offrirait un abattement plus élevé, réduisant l’impact fiscal de la réforme.
Le deuxième scénario introduit une distinction entre les locations de longue durée et les locations de courte durée, avec des taux d’abattement différenciés de 40 % et 30 % respectivement. Cette approche vise à encourager la location de longue durée, offrant des résidences principales aux familles et des loyers accessibles pour les ménages modestes. Par exemple, un propriétaire louant à long terme bénéficierait d’un abattement de 40 %, tandis qu’un propriétaire louant à court terme ne bénéficierait que d’un abattement de 30 %.
Le troisième scénario propose d’aller encore plus loin en faveur des locations de longue durée. En plus des mesures du scénario 2, ce scénario introduit un amortissement forfaitaire annuel de 2 % pour les déclarants au réel, applicable uniquement aux locations de longue durée. Cette mesure vise à rendre les locations de longue durée encore plus attractives pour les propriétaires en offrant un avantage fiscal supplémentaire. Pour les autres types de location, la possibilité d’amortir le bien immobilier serait supprimée. Par exemple, un propriétaire louant à long terme pourrait déduire un amortissement de 2 % par an, réduisant ainsi sa base imposable et augmentant la rentabilité de son investissement.
Impacts attendus de la réforme sur l’impôt et le logement
La réforme de la fiscalité immobilière de 2024 est conçue pour adresser plusieurs défis clés du marché locatif français.
En réduisant les avantages fiscaux des locations meublées de courte durée, la réforme vise à augmenter l’offre de logements disponibles pour des locations longues durées, contribuant à résoudre la pénurie de logements accessibles pour les résidents permanents. Par exemple, une famille cherchant un logement longue durée pourrait trouver plus d’options disponibles sur le marché, réduisant ainsi la pression sur les loyers.
La réunification des régimes fiscaux simplifiera la déclaration des revenus locatifs et facilitera le contrôle par l’administration fiscale, réduisant ainsi les possibilités de fraude fiscale. Les propriétaires pourront mieux comprendre leurs obligations fiscales et éviter les erreurs coûteuses ou les pénalités.
En alignant les régimes fiscaux des locations nues et meublées, la réforme cherche à instaurer une plus grande justice fiscale, éliminant les avantages injustifiés accordés aux locations meublées non professionnelles. Cette mesure devrait également équilibrer la concurrence sur le marché locatif, en supprimant les incitations fiscales qui favorisaient disproportionnellement les locations meublées.
Dispositifs Loc’Avantages et Denormandie
En complément des scénarios de réforme, la réforme de la fiscalité immobilière 2024 propose d’améliorer deux dispositifs existants : le dispositif Loc’Avantages et la loi Denormandie.
Le dispositif Loc’Avantages vise à encourager les propriétaires à proposer des logements à loyers abordables en échange d’une réduction d’impôt sur le revenu. La réforme propose d’augmenter le taux de réduction d’impôt pour chacun des niveaux de loyer du dispositif et de relever le plafond de l’avantage fiscal. Cette mesure est destinée à développer une offre locative privée accessible aux locataires dont les revenus sont réduits. Par exemple, un propriétaire qui loue un appartement à un loyer inférieur au marché pourrait bénéficier d’une réduction d’impôt plus importante, rendant ce type de location plus attractif financièrement.
La loi Denormandie, qui encourage la rénovation énergétique des logements en centre-ville, est également visée par la réforme. Il est proposé de relancer ce dispositif avec des modifications similaires à celles proposées pour le Loc’Avantages, notamment une augmentation des avantages fiscaux et une pérennisation du régime jusqu’à 2030. Cette mesure vise à promouvoir la rénovation énergétique et à augmenter l’offre de logements de qualité en centre-ville. Par exemple, un propriétaire qui rénove un appartement pour améliorer son efficacité énergétique pourrait bénéficier de réductions d’impôt plus importantes et d’une stabilité fiscale accrue jusqu’en 2030.
Fiscalité des locations : conclusion des propositions
La réforme de la fiscalité immobilière de 2024 marque une étape importante dans la modernisation du cadre fiscal des revenus locatifs en France. En unifiant les régimes fiscaux et en supprimant les niches fiscales, elle vise à créer un marché locatif plus équitable et plus stable, tout en encourageant les investissements dans des logements de longue durée. Ces changements, bien que complexes et nécessitant une adaptation progressive, sont essentiels pour répondre aux défis actuels du marché immobilier et pour assurer une offre de logements de qualité et accessibles à tous.
Cependant, si jamais ces propositions étaient intégrées dans le prochain projet de loi de finances, l’impact pour les investisseurs serait considérable. Pour les propriétaires et les investisseurs, cette réforme représente à la fois un défi et une opportunité. Ils devront réévaluer leurs stratégies d’investissement et s’adapter aux nouvelles conditions fiscales. Cependant, la simplification du cadre fiscal et la promotion de la location longue durée pourraient également ouvrir de nouvelles perspectives de rentabilité et de stabilité à long terme, en mettant fin à la jongle perpétuelle dont nous devons faire preuve.
Enfin, pour les locataires, cette réforme pourrait signifier un meilleur accès à des logements abordables et de qualité, réduisant ainsi la pression sur le marché locatif et améliorant la qualité de vie des résidents.
Cette analyse de la réforme de la fiscalité immobilière de 2024 met en lumière les principaux aspects de la nouvelle législation et leurs implications potentielles. Les propriétaires et investisseurs doivent se préparer à ces changements majeurs et évaluer leurs stratégies fiscales en conséquence. La réforme promet de transformer le parc immobilier français, en favorisant une fiscalité plus juste et plus transparente.
Bien sûr, au moment de la rédaction de cet article, rien n’est fait. Rassurez-vous, il ne s’agit, pour le moment, que de propositions. Entre les Jeux Olympiques, les récentes élections législatives et la rentrée 2024 qui s’annonce compliquée, rien ne nous dit que ces propositions seront adoptées. Cependant, cela fait maintenant plusieurs années que l’étau se resserre et que les avantages dont bénéficient les investisseurs immobiliers sont de plus en plus réduits. Avec les caisses de l’Etat qui sont plus que vides, il y a fort à parier qu’au moins une partie de ces propositions soient adoptées. Les propriétaires, les investisseurs et les locataires devront s’adapter à ces nouveaux changements, mais les bénéfices potentiels de cette réforme sont considérables pour l’ensemble du marché immobilier français.
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